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L’absinthe

Absinthe, Artemisia absinthium L.

L’absinthe

Artemisia absinthium L.

Compositae

L’absinthe est une plante vivace aromatique, buissonnante, aux feuilles persistantes, finement découpées, gris verdâtre sur le dessus et argentée dessous. Elle porte en été de panicules composées de grappes de petites fleurs jaunes.

Le nom d’espèce absinthium dérive du grec apsinthion, qui signifie  « privé de douceur », en rapport à l’amertume caractéristique de la plante. L’absinthe est mentionnée à ce titre dans l’apocalypse de Jean : « Alors tomba du ciel un grand astre, comme un globe de feu. Il tomba sur le tiers des fleuves et sur les sources ; l’astre se nomme Absinthe : le tiers des eaux se changea donc en absinthe, et bien des gens moururent de ces eaux devenues amères… » (Apocalypse, 8, 10-12.).

L’absinthe est une plante médicinale utilisée depuis l’antiquité comme digestive, tonique et vermifuge mais c’est son usage en liqueur qui a laissé le plus de traces dans l’histoire, en particulier pendant son heure de gloire, suivie de sa disgrâce, entre le XIXème et le début de XXème siècle.

La liqueur d’absinthe telle que nous la connaissons semble être apparue en Suisse vers 1750 d’abord comme élixir dans un but médical. Cette préparation fût surnommée « La Fée Verte » en raison de ses propriétés supposées « magiques » et de la couleur verte du breuvage.
L’absinthe fait son chemin et quelques années plus tard, vers 1830, elle est devenue une boisson à la mode. Les militaires des campagnes coloniales s’étaient aperçus des vertus curatives de la liqueur d’absinthe et en mettaient quelques gouttes dans l’eau pour se prémunir des fièvres et de la dysenterie. Ils prirent goût à l’absinthe et à leur retour en France, ils gardèrent cette habitude, imitée par la bourgeoisie admirative de ces conquérants puis par les artistes à la recherche de plaisirs nouveaux. Vincent van Gogh, Henri de Toulouse-Lautrec, Verlaine, Rimbaud, Baudelaire et beaucoup d’autres lui donnèrent une place d’honneur dans leurs œuvres.

Vers 1870, l’absinthe jusqu’alors réservée à une élite va se démocratiser. Chère à ses débuts, elle devient meilleur marché que le vin qu’elle commence à concurrencer. Sa consommation augmente fortement de 7 000 hectolitre en 1874 à 360 000 hectolitres en 1910 date à laquelle on estime que 90% de la population consomme de l’absinthe.
Vers 18h dans les bistros commence « l’heure verte », avec le rituel de dégustation de l’absinthe. On place un morceau de sucre sur une cuillère perforée reposant sur les bords d’un verre qui contient une mesure d’absinthe puis l’eau glacée est versée très lentement sur le sucre qui se dissout petit à petit, et tombe goutte à goutte, troublant le liquide vert qui devient d’un blanc opalescent. Ce mode de préparation, qui favorise les conversations, est pour partie à l’origine de l’engouement pour l’absinthe.

Mais ce succès est suivi d’une bien mauvaise réputation, synonyme d’alcoolisme et de folie. La consommation excessive d’absinthe provoque des délires, des tremblements, décrits comme une maladie, l’absinthisme. On l’attribue à l’huile essentielle contenue dans la plante, riche en thuyone qui est un poison du système nerveux.
La baisse du prix de l’absinthe passe souvent par l’utilisation d’alcools frelatés, l’ajout d’essences, de sels de cuivre pour donner de la couleur… fraudes qui vont aggraver encore les effets néfastes attribués à la plante.

En 1906, la ligue nationale antialcoolique se joint étrangement aux viticulteurs, sous un mot d’ordre commun « Tous pour le vin, contre l’absinthe » ! Une pétition est lancée qui demande l’interdiction de l’absinthe et dénonce ses méfaits supposés : « Attendu que l’absinthe rend fou et criminel … Attendu qu’elle fait de l’homme une bête féroce, de la femme une martyre, de l’enfant un dégénéré, qu’elle désorganise et ruine la famille et menace ainsi l’avenir du pays …»
L’interdiction est finalement votée en France en 1915 après la première débâcle contre les Allemands.

Aujourd’hui, il est désormais clair que les symptômes de l”absinthisme” étaient essentiellement dus à l’alcool et aux adultérants chimiques dangereux qui étaient utilisés dans les absinthes bas de gamme.
Il faudra attendre 2001 pour que la commercialisation de l’absinthe soit à nouveau autorisée, en respectant un plafond de 35mg/L de thuyone.
En 2011, la mention “absinthe” est à nouveau autorisée sur les étiquettes et l’appellation absinthe est réhabilitée.

La fée verte   

Le vin sait revêtir le plus sordide bouge
D’un luxe miraculeux,
Et fait surgir plus d’un portique fabuleux
Dans l’or de sa vapeur rouge,
Comme un soleil couchant dans un ciel nébuleux.

L’opium agrandit ce qui n’a pas de bornes,
Allonge l’illimité,
Approfondit le temps, creuse la volupté,
Et de plaisirs noirs et mornes
Remplit l’âme au-delà de sa capacité.

Tout cela ne vaut pas le poison qui découle
De tes yeux, de tes yeux verts,
Lacs où mon âme tremble et se voit à l’envers …
Mes songes viennent en foule
Pour se désaltérer à ces gouffres amers.

Tout cela ne vaut pas le terrible prodige
De ta salive qui mord,
Qui plonge dans l’oubli mon âme sans remord,
Et, charriant le vertige,
La roule défaillante aux rives de la mort

Charles Baudelaire